

L'idée

La création de NOUS ARPENTONS commence par ce constat: j’aime entendre les gens parler de leur quotidien, échanger pour le plaisir d’échanger, sans volonté de convaincre l’autre, sans être un·e grand·e spécialiste d’un sujet, juste parler de ce qu’on sait du monde, ce qu’on en comprend, ce qu’on en perçoit, ce qu’on a expérimenté, ce qui nous agace et nous amuse, ce qu’on voudrait changer et ce qu’on regrette, ce qu’on a vu, qu’on a aimé et pourquoi on l’a aimé, tout ce qui fait partie du monde de la subjectivité.
Ces dernières années, entre l'essor des réseaux sociaux qui virtualisent nos interactions en les faisant passer par le filtre de l’algorithme, et les années COVID qui nous ont privé·es des lieux de socialisation, j’ai ressenti un manque de ce type d’échanges. Ce qui me manque, c’est de ne plus être en présence de discours qui ne soient pas dans les mêmes courants de pensée que les miens, de réalités de vie éloignées des miennes et de celles de mon entourage. Être coupée de la richesse de l’humanité m’a rendue plus dure, mes opinions sont devenues plus tranchées, moins nuancées, parce que j’étais privée de ces contacts humains aléatoires. Je n’avais plus une vision du monde en kaléidoscope.
Voilà, ce qui m’anime.
J’ai voulu ancrer ma création dans ce foisonnement. Réunir artistes et spectateur·trices, en amont de la représentation, les convier à un moment d’échange autour d’une thématique choisie ensemble. J’ai voulu créer la circonstance qui permette à des personnes de s’emparer d’un sujet pour le plaisir d’acquérir une connaissance commune, d’échanger pour que la pensée collective avance. Leur faire vivre un arpentage. Ce moment de vie est la source d’inspiration d’un spectacle entièrement improvisé, reflet de la micro-société que nous aurons créée le temps de cette expérience. J’ai voulu créer un spectacle comme une mosaïque, fait de fragments de vie, qui viennent donner un éclairage poétique sur une thématique. J’ai voulu m’emparer des petites choses qui sont partagées pour créer des fictions uniques, une représentation sur mesure pour ce public-là, ce jour-là. Parce que la vie de chacun·e est passionnante, que chaque point de vue est unique, j’ai voulu leur donner vie sur scène. Que l’espace du théâtre s’ouvre à la myriade de vies de celleux qui n’ont pas l’occasion de parler sur un plateau. Faire de toutes nos petites pensées et nos petites histoires une grande envolée théâtrale.
L’humanité est constituée d’une multitude de points de vue, d’une infinité d’expériences de vie,
de subjectivités, bien plus vastes que ce qu’un seul cerveau pourrait imaginer. C’est foisonnant!


Un arpentage, c’est quoi?
L’arpentage est une méthode développée par les milieux ouvriers au XIXe siècle et encore couramment utilisée dans les mouvements militants et d’éducation populaire. Cette méthode propose de s'approprier du savoir universitaire, nommé le savoir froid, et de le mettre en regard les expériences de vie de chacun·e, appelé le savoir chaud. Un groupe découvre ensemble un ouvrage théorique en le découpant - littéralement, avec un cutter - pour que chaque participant·e ait le même nombre de pages à lire, indépendamment des chapitres du livre. Au terme de la lecture individuelle, on organise une mise en commun en 4 temps :
01
Quelles sont mes sensations de lecture:
je suis rentré·e facilement dedans; c'était écrit trop petit; j'aimais bien le ton de l'auteur·trice; etc.
02
Qu’est-ce que j’ai compris et/ou retenu de ma lecture : c’est l’occasion de recomposer ensemble le propos de l’ouvrage, de combler des vides, de reconstituer activement et collectivement un raisonnement.
03
Qu’est-ce que ça m’a rappelé de ma vie ou de ce que je sais du monde : c’est le moment où le savoir chaud se partage. On parle de nos expériences personnelles, des échos qu’on retrouve dans
nos vies, de ce à quoi ça nous fait penser dans les fictions que l’on connaît, etc.
04
Qu’est-ce que ça me donne envie de transmettre et/ou de changer dans le monde : ici on partage ce qui nous a réellement touché·es, ce qu’on garde en tête de cette lecture et de l’échange qui a suivi. On ouvre vers des perspectives futures.
Cette méthode vient réveiller en moi un endroit juste de rencontre, de partage et d'acquisition de connaissances, en mettant en perspective une problématique théorique avec la vie réelle des personnes en présence.

Le spectacle
Nous invitons un groupe de spectateur·trices à participer à un arpentage en amont du spectacle, le jour-même. Le spectacle, d’une durée d’une heure environ, est inspiré de la discussion qui a lieu lors de l’arpentage. Les artistes assistent à la discussion, sans y participer: iels écoutent activement et prennent des notes. Un petit groupe de spectateur·trices participe à l’atelier, mange avec les artistes, puis accueille le reste du public. Le groupe explique ce qu’il a vécu en amont du spectacle, présente l’ouvrage arpenté et sa thématique, puis passe le relais aux comédien·nes.
Le spectacle se construit ensuite en entremêlant de la fiction, des citations des participant·es, des phrases piochées dans l’ouvrage arpenté. Sur scène, l’espace est épuré. Tout doit pouvoir exister, donc l’imaginaire ne peut pas être enfermé dans un espace figuratif. Les comédien·nes travaillent sur de l’évocation, faisant exister par la parole et les gestes ce qui n’existe pas. Nous travaillons sur un décalage par rapport à la réalité: le but n’est pas de montrer notre monde tel qu’il est, mais de poétiser autour d’une thématique, de créer des mondes parallèles, fantasques, utopiques.
La création sonore, elle aussi réalisée au moment même de la représentation, incorpore les voix du groupe d'arpenteur·euses, enregistrées lors de l'échange.
La lumière est manipulée à vue aussi bien par la créatrice lumière que par les comédien·nes.
L’improvisation théâtrale permet d’incorporer immédiatement de la matière dans chaque représentation. Le public est directement impliqué dans le processus de création, et peut voir concrètement comment sa présence influence le cours des choses : la représentation n’aurait pas été la même si ce n’était pas ce public-là, à ce moment-là.

Concrètement, ça se passe comment?
Horaires adaptables en fonction de l’heure de la représentation
15h-15h30
Accueil du groupe d’arpenteur·euses. Café, thé, bicuits.
15h30-16h
Explication de l’arpentage, choix de l’ouvrage et découpage. Dans un espace convivial du lieu d’accueil: foyer, bar, etc.
16h-17h
Lecture individuelle.
Chacun·e se trouve un espace où iel se sent bien. Des bics, stiffs, fluos sont mis à disposition.
17h15-18h45
Discussion menée par la metteuse en scène. Les comédien·nes, le musicien et la créatrice lumière y assistent sans y participer.
18h45-20h
Pause repas. Les arpenteur·euses mangent avec l’équipe artistique.
20h-20h15
Accueil du public par le groupe d'arpenteur·euses et par l'équipe artistique.
20h15-21h30
Spectacle. Sur scène, le spectacle, entièrement improvisé par les comédien·nes, le musicien et la créatrice lumière, est composé d’un enchevêtrement de scènes librement inspirées par la discussion qui suit l’arpentage.

Publics visés

NOUS ARPENTONS est un projet volontairement adaptable. Avec les lieux qui nous accueillent, nous réfléchissons à la meilleure formule pour leur public. Si chaque représentation est pensée pour accueillir tout public à partir de 10 ans, le choix du groupe d'arpenteur·euses peut être plus spécifique:
Groupe associatif (max. 15 personnes)
Groupe scolaire à partir de 15 ans (max. 1 classe)
Groupe mixte (max. 15 personnes)
Ouvrages arpentés

Les ouvrages arpentés sont toujours des textes théoriques, principalement de sociologie. Les artistes ne les lisent pas en amont, iels en savent toujours moins que le participant·es. Plusieurs options sont possibles pour le choix de l'ouvrage.
La thématique du lieu :
Le lieu qui nous accueille nous demande un arpentage sur une thématique spécifique. Cette option permet de faire un lien avec une thématique générale de saison ou de faire un focus autour de cette thématique. Elle offre également une plus grande facilité de communication avec le public. La recherche de l’ouvrage se fait en collaboration entre le lieu et la compagnie.
La thématique du jour :
La compagnie arrive le jour-même avec 4 ouvrages sur 4 thématiques différentes. Le groupe d’arpenteur·euses décide en début d’atelier quelle sera la thématique de la journée. Cette option convient très bien pour mettre en avant l’expérience au-delà de la thématique.
La thématique du public:
Dans le cas où le groupe d'arpenteur·euses est pré-existant (association, classe, etc.), nous lui proposons de choisir une thématique, et nous trouvons un ouvrage lié. Cette option s’applique particulièrement bien à un public scolaire.

Exemples d'ouvrages à arpenter:
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“Nos vies valent plus que leurs crédits - face aux dettes des réponses féministes” de Camille Bruneau et Christine Vanden Daelen.
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“Le coût de la virilité - Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes” de Lucile Peytavin.
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“Désirer la violence: Ce que la pop culture nous apprend à aimer” de Chloé Thibaud
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"Tout le monde peut être féministe", de bell hooks
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"No Crypto" de Nastasia Hadjadji
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"La colonisation du quotidien - Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme" de Patrick Cingolani
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"La Copossession du monde - Vers la fin de l’ordre propriétaire" de Pierre Crétois
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"Comment s’organiser? - Manuel pour l’action collective" de Starhawk
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“Habiter en oiseau” de Vinciane Despret
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“Lutter ensemble - Pour de nouvelles complicités politiques” de Juliette Rousseau
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